Comme il est associé à la cuisine du midi, on pense généralement que le safran est cultivé uniquement dans les pays méditerranéens. En fait, sa culture prospère aussi bien en Espagne et au Maroc avec 300-400 mm de pluie par an, qu’en Macédoine avec 650 mm par an et au Cachemire avec 1000-1500 mm par an. De même, s’il est cultivé en France en plaine, en Iran et au Maroc, deux grands pays producteurs, les régions de culture sont à plus de 1000 m d’altitude. Vis-à-vis de la température, la plante peut supporter les étés chauds et secs méditerranéens, mais peut survivre à des températures de -10°C ainsi qu’à de courtes périodes de neige.
Une récolte et un traitement manuels
Le prix élevé du safran s’explique par la récolte manuelle, durant une courte période de floraison, ensuite par l’extraction manuelle délicate des stigmates et par le très grand nombre de fleurs traitées. En moyenne, les 3 stigmates d’une fleur pèsent environ 30 mg à leur prélèvement et 6 mg après dessication. Ce qui fait en gros 150 fleurs pour obtenir 1 g de safran sec et donc 150 000 fleurs pour 1 kg. Si l’on ajoute qu’une personne récolte en moyenne 1000 fleurs à l’heure et qu’une ouvrière peut extraire 500 stigmates à l’heure, on comprend le prix demandé !
Quel que soit le pays, les différentes phases, de la récolte au produit fini, sont très voisines :
1) La cueillette
Les fleurs apparaissent généralement début octobre et la floraison s’étale sur un mois. La récolte a lieu le matin. On cueille la fleur entière encore fermée en coupant le tube aussi bas que possible. Une personne peut ramasser 1000 fleurs à l’heure.
2) L’épluchage (ou émondage)
A l’issue de la récolte a lieu rapidement l’épluchage (ou émondage) qui consiste à couper les stigmates rouges juste avant le style de couleur jaune. Les fleurs seront ensuite redonnées à la terre. Pour l’émondage, on peut utiliser aussi bien les ongles que de petits outils tels que ciseaux ou pinces à épiler. Une personne peut éplucher 500 fleurs à l’heure.
3) Le séchage
Le séchage permet d’assurer la conservation du safran et l’expression des arômes. Au cours de ce traitement, il perd les 4/5 de son eau. Cette opération est très importante et délicate. Elle se faisait autrefois dans un tamis au dessus d’un brasero. Actuellement, elle se fait à l’air libre au Maroc, au dessus d’un brasero en Espagne, dans une étuve ventilée ou dans un four électrique en France où elle dure de 30 à 45 minutes. Le safran sec est ensuite conservé dans un petit récipient hermétique à l’abri de la lumière.
Les principaux pays producteurs de safran
Faute d’organisme fédérateur mondial, les données sur la production sont assez contradictoires suivant les sources et fluctuent suivant les années. En 2002, on cite une production mondiale de 200 tonnes, en 2009, de 150 tonnes. La plus grande partie de la production provient d’une large ceinture s’étendant du Maroc à l’Inde (Cachemire).
La culture du safran dans le monde
L’Iran est de loin le premier producteur mondial de Safran avec plus de 185 tonnes produites en 2002, ce qui représente plus de 90% de la récolte mondiale. Le safran y est cultivé dans la province de Khorâssân, frontalière avec l’Afghanistan. La ville de Tabat-e-Heydarieh produit à elle seule 70 tonnes ! L’essentiel de la production est exporté : 60 tonnes en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes, 40 tonnes en Espagne, 6 tonnes en France et 5 tonnes en Italie.
L’Inde est souvent citée en deuxième position avec la province du Cachemire mais aucun chiffre fiable n’est actuellement disponible, et la production est largement auto-consommée.
L’Espagne viendrait après avec 30 à 40 tonnes par an, mais en fait le chiffre est erroné. En 1914, avec 124 tonnes par an, l’Espagne était l’un des premier pays producteur du monde. En 1986, sa production était tombée à 35 tonnes et actuellement elle tourne autour de 1 à 2 tonnes par an. En revanche, l’Espagne commercialise effectivement 40 tonnes par an de safran, majoritairement importé d’Iran. La production actuelle est située dans la province de la Mancha, non loin de Tolède. Depuis 1963, une fête du safran existe dans le village de Consuanegra, village également célèbre par ses moulins à vent, immortalisés dans une scène de Don Quichotte.
Champ de safran en Grèce.
Cueillette de safran en Iran.
La Grèce, avec une production annuelle régulière de 6 à 8 tonnes par an, est en troisième position. La zone de culture est en Macédoine, au sud du département de Kozani où se trouve la ville de Krokos, ville qui tire d’ailleurs son nom du nom de la fleur de crocus en grec.
Le Maroc produit autour de 3 tonnes par an, dans l’Anti-Atlas autour du village de Taliouine, à 100 km de la ville de Taroudant.
L’Italie produit environ 1 tonne par an, essentiellement en Sardaigne, près de la ville de San Gavino Monreale.
La France a été l’un des gros producteurs mondiaux au XIXème siècle avec 30 tonnes par an. La production était concentrée dans le Gâtinais autour du village de Boynes, situé entre Pithiviers et Montargis. Le déclin s’est amorcé avec les hivers très rigoureux de 1880-1881 qui firent disparaître une grande quantité de bulbes. Puis, l’exode rural, le coût de la main d’œuvre et le développement des colorants de synthèse portèrent le coup de grâce à cette production. Les derniers champs disparurent vers 1930. En 1987, une association « Les safraniers du Gâtinais » fut créée pour relancer la production. Actuellement, on trouve des safraniers dans une quarantaine de départements français, avec une production significative dans le Loiret (safran du Gâtinais), le Lot (safran du Quercy) et dans la Creuse (une safranière vaste de 1 ha est la plus importante exploitation de France). Ils assurent à eux tous une production d’une dizaine de kilos par an.
Assiette évocatrice du safran de Boynes (Gâtinais), ancienne capitale mondiale du safran du XVIème au XIXème siècle.
On cultive encore un peu de safran en Angleterre, en Allemagne, en Autriche et même en Suisse où la petite ville de Mund dans le Valais produit 2 à 4 kg par an. On trouve également quelques petites exploitations en Australie, Nouvelle-Zélande, Chine, Egypte, Israël, Mexique, Etats-Unis (Californie) et Turquie où la ville de Safranbolu tire son nom de l’Epice.
Extrait d’une publication de David Busti.
Auteurs : Régis Thomas, David Busti et Margarethe Maillart.