Le safran : une plante de la famille de l’Iris (Iridacées)
Le safran, c’est d’abord un petit bulbe appelé vulgairement oignon, de forme sphérique et aplatie de 3-4 cm de diamètre. Cet organe n’est pas un oignon (avec des tuniques emboîtées) ni un bulbe de type Lis (portant des feuilles en écaille) mais un bulbe « solide » ou cormus. Une observation extérieure, associée à une coupe longitudinale et une coupe transversale, confirme cette appellation. Bien que l’intérieur du bulbe soit plein, sa surface extérieure est marquée par de fines stries circulaires qui matérialisent les cicatrices de feuilles. L’explication est que les bases charnues des feuilles sont entièrement soudées, formant le bulbe, alors que les extrémités non charnues des feuilles se détachent du bulbe en laissant des cicatrices. L’ensemble est en plus enveloppé de très minces feuilles protectrices non charnues dont la plus externe est constituée de fibres parallèles à allure de filasse.
Le safran ne fait rien comme les autres plantes : à l’automne quand tous les autres végétaux s’endorment pour l’hiver, le safran fleurit. En effet, il entre en dormance au printemps et son feuillage disparaît complètement quand les bourgeons de la plupart des plantes éclatent. C’est pourquoi, on plante le bulbe au début de l’été. Quand la dormance estivale est levée, dès les premières pluies automnales associées aux premières températures fraîches, les racines poussent à la partie inférieure du cormus. Puis, la fleur sort de terre sous forme d’une gaine blanchâtre aiguë, percée bientôt par 6-7 feuilles fines, striées d’une ligne argentée à la face supérieure. Elles deviendront grandes (30-40 cm) et persisteront durant l’hiver, jusqu’au printemps. Dans les journées qui suivent, 2-3 fleurs par cormus s’épanouissent chaque jour (mais on peut en compter jusqu’à 5-6) sur une période de 2 à 4 semaines selon les années, ce qui fournit des sorties quotidiennes de fleurs sur la parcelle. Chaque fleur est constituée d’un ovaire qui « sort » presque du cormus et qui se prolonge en dessus par le long tube blanc du périanthe, lequel s’évase au sommet en un entonnoir de 6 tépales violets. Les 3 étamines (un caractère de la famille des Iridacées par rapport aux Liliacées et aux Amaryllidacées qui en possèdent 6) ont un court filet, fixé à la limite du tube et des lobes libres du périanthe. L’ovaire, à 3 loges et à placentation axille, est situé en dessous du périanthe (ovaire infère). Il est surmonté d’un style grêle aussi long que le tube du périanthe, qui se divise en 3 stigmates (appelés flèches) triangulaires, évasés et denticulés à la partie supérieure, d’un rouge vif brillant et velouté. Ce sont ces stigmates, très odorants, qui constituent le safran du commerce, après dessiccation.
Chaque bulbe ne fleurit qu’une fois et engendre, avant de se dessécher, plusieurs petits bulbes (nommés caïeux) qui prennent naissance à la partie supérieure du bulbe. Chaque année le cormus de safran va donc « s’élever » en terre de quelques centimètres. A la fin du printemps (fin mai ou courant juin) de la troisième année de culture, le safranier va déterrer les cormes, choisir les plus beaux et les plus réguliers, les débarrasser de leurs tuniques filasses ainsi que de l’ancien bulbe desséché (appelé culot), et les conserver jusqu’à la plantation d’été.
Un peu d’étymologie
Le mot « safran » vient de l’arabe asfar signifiant jaune via le mot zaferân qui est le nom de l’épice en arabe. Cette étymologie porteuse d’une propriété essentielle, celle de la couleur jaune, témoigne de l’importance dans la culture arabe de la teinture extraite de la plante. Elle se retrouve de manière homogène dans les langues d’Europe : Allemagne (saffran), Angleterre (saffron), Espagne (azafran), Finlande (saframi), Italie (zafferano), Pays-bas (saffraan) et Pologne (szafran).
Le mot « crocus » est lui la transcription latine du mot grec krokos qui signifie fil, filament et désignait à l’origine les stigmates de la plante. C’est également le nom d’un village de Macédoine où la culture du safran occupe encore des centaines d’hectares.
Le safran parmi les crocus de France
Le genre Crocus est représenté en France par 6 espèces sauvages. Presque tout le monde connaît le Safran printanier (Crocus vernus), dont les fleurs naissent au début du printemps, dans les prairies et pelouses montagnardes. Trois autres espèces, voisines, fleurissent comme lui au printemps : le Safran bigarré (Crocus versicolor), assez commun en Provence, ainsi que Crocus corsicus et Crocus minimus, espèces plus rares, se rencontrant uniquement en Corse. Mais surprise, car peu de fleurs sont automnales, une espèce sauvage de Crocus, le Safran à fleurs nues (Crocus nudiflorus), assez commune dans les Pyrénées, fleurit à l’automne tout comme notre Safran cultivé !
Reconnaître le safran parmi les espèces de crocus indigènes de France.
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*une espèce voisine, Crocus medius, est présente dans les Alpes Maritimes. |
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**deux espèces voisines, Crocus corsicus et Crocus minimus, mais à feuilles paraissant avant les fleurs, sont présentes en Corse. |
Ne pas confondre les crocus, la colchique et le crocus jaune d’automne
Les colchiques fleurissent à la fin de l’été dans les prairies humides, jusqu’à une altitude élevée. Les fleurs rose-lilas ressemblent à celle d’un crocus au point que les anglais l’appellent Meadow saffron et les allemands Wiesensafran. Pourtant, la confusion est impossible dans la plus grande partie de la France.
Le crocus le plus commun, le Safran printanier (Crocus vernus), fleurit au printemps alors que la Colchique (Colchicum automnale) fleurit en automne
Le Safran printanier possède des feuilles alors que la Colchique n’en possède pas au moment de la floraison.
En revanche, dans les Cévennes et dans les Pyrénées, on rencontre un crocus automnal, Crocus nudiflorus, non feuillé, qui peut être en effet, confondu avec la Colchique. Un examen un peu attentif de la fleur lèvera le doute :
La fleur du Crocus nodiflorus est violette et ne possède que 3 étamines (caractère d’Iridacée) alors que la fleur de colchique est de couleur lilas et possède 6 étamines (caractère de Liliacée)
La position de l’ovaire est également différente : les crocus possèdent un ovaire infère, la Colchique un ovaire supère. Ce caractère est toutefois difficilement accessible, car les ovaires sont sous terre, en position profonde.
La confusion au sein des crocus est encore accentuée par les grainetiers dont les catalogues d’automne proposent des « crocus et colchiques jaunes d’automne ». Ici, il ne s’agit ni de crocus ni de colchique. Ces crocus jaunes sont en fait des Sternbergia lutea (genre dédié au botaniste thèque Von Sternberg 1761-1838, et luteus = jaune en latin) plante de la famille des jonquilles et narcisses, les Amaryllidacées, possédant 6 étamines comme les Liliacées mais un ovaire infère comme les Iridacées. En gros, le Sternbergia lutea, ressemble à une Jonquille dont le périanthe ne serait pas prolongé en tube crénelé.
Reconnaître les crocus, la colchique et le crocus jaune d’automne.
Crocus
(IRIDACEES)
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Colchique
(LILIACEES)
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Crocus jaune d’automne (AMARYLLIDACEES)
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Crocus vernus |
Crocus nudiflorus |
Colchicum automnale |
Sternbergia lutea |
Extrait d’une publication de David Busti.
Auteurs : Régis Thomas, Margarethe Maillart et David Busti