L’histoire du safran

D’où vient le safran ? Est-il apparu au pied de l’Himalaya au Cachemire ou dans le bassin méditerranéen ? Selon les recherches botaniques récentes, il serait originaire de Crète et non du Cachemire, comme on le disait autrefois.

Le safran : une plante venue de Crète ?
Le safran n’existe pas à l’état sauvage. Selon les recherches botaniques récentes, il résulterait d’une sélection de Crocus cartwrightianus, un crocus diploïde de Crète, par des producteurs qui désiraient de plus longs stigmates. L’analyse de l’ADN de Crocus sativus (un triploïde stérile) confirme que C. cartwrightianus est l’ancêtre le plus vraisemblable du safran. D’autres espèces proches C. thomasii et C. pallasii pourraient être également des ancêtres potentiels. Le safran a un pollen stérile et ne produit donc pas de graines. Il est cultivé et multiplié uniquement par ses bulbes.

Mais depuis quand le safran serait originaire de Crête ? Au moins 3500 ans. En effet on trouve sur le site d’Akrokiri (dans l’île grecque de Santorin) des fresques parfaitement évocatrices à ce sujet. On y voit en particulier de petites touffes de safran cueillies par deux femmes. Ces fresques sont les premières représentations botaniquement exactes de la plante. Elles ont été recouvertes, et donc protégées, par des cendres volcaniques issues de l’explosion de l’île datée de 1650-1500 avant J-C.

Fresques minoennes représentant le safran  ont été découvertes dans les fouilles d’Akrotiri, à Santorin.

Le safran, largement répandu sur le pourtour méditerranéen par les Phéniciens est bien connu et utilisé par les grecs puis les romains. Il est d’abord apprécié comme parfum et déodorant. La reine d’Egypte Cléopâtre, verse un quart de tasse de safran dans ses bains chauds ; Quand l’empereur Néron est entré dans Rome, on a répandu du safran dans les rues. On l’emploie également comme remède dans un large panel de maladies gastro-intestinales et comme aphrodisiaque. Enfin c’est un colorant orange apprécié.

Il aurait été ensuite introduit au Cachemire par les Perses. Une légende raconte comment Alexandre le Grand aurait été arrêté dans sa conquête par la méconnaissance de la plante : « Ayant installé son camp, un soir d’automne dans une vallée du cachemire, il avait planté sa tente sur un site dénudé permettant d’apercevoir le moindre ennemi de loin. Le lendemain matin il fut surpris de retrouver son armée isolée au milieu d’un océan de fleurs de safran qui avaient poussé dans la nuit. Ignorant tout de cette fleur et croyant à un maléfice il plia bagage. Les cachemiris qui racontent cette légende ne sont pas peu fiers d’avoir repoussé l’envahisseur. »

La culture du safran a rapidement décliné à la suite de la chute de l’empire romain, au point qu’elle se fit rare dans toute l’Europe. Il semble que ce soient les arabes qui l’aient réintroduite en Afrique du nord, l’Espagne et dans le sud de la France au cours de leurs conquêtes. Quand la peste noire ravagea l’Europe entre 1345 et 1350, la demande pour le safran et sa culture explosa. Il est convoité par les victimes de la peste pour ses (supposées !) vertus médicinales. Bâle devient une ville prospère grâce à la culture du safran. L’Angleterre d’Edouard III cultive le safran partout et devient un producteur de premier plan. Peu à peu cependant, concurrencée par d’autres cultures, le safran décline et ne se trouve plus qu’en France, Italie et Espagne.

Il arrive en Amérique en 1730 avec des Allemands fuyant les persécutions religieuses. Installés en Pennsylvanie, ces Pennsylvania Dutch cultivent encore aujourd’hui le safran dans le comté de Lancaster.

La France est, à la fin du XIXème siècle, un grand pays producteur, essentiellement dans le Gâtinais.

Extrait d’une publication de David Busti.

Auteurs : Régis Thomas, David Busti et Margarethe Maillart.